L'édition française en perdition
Dans les années 1980, l’édition française était dominée par deux grands groupes, Hachette et les Presses de la Cité, qui contrôlaient les deux tiers de la production. Restait un tiers honorable, avec de grandes maisons indépendantes comme Gallimard et Le Seuil, dont la qualité éditoriale limitait la logique de profit des deux conglomérats. Bien que propriétés du groupe Hachette, déjà qualifiée de " pieuvre verte ", des éditeurs comme Grasset ou Fayard s’abritaient derrière les maisons indépendantes pour imposer de la qualité.
Vingt ans plus tard, les loups règnent dans la bergerie. 1 % des éditeurs palpent 80 % du chiffre d’affaires. C’est la course effrénée aux best-seller. Un certain Jean-Marie Messier surnommé J6M (Jean-Marie Messier Moi-Même Maître du Monde) joua un rôle déterminant dans cette mutation. Animé d’une ambition démesurée, ce polytechnicien se projeta en magnat à l’américaine, créant un empire éditorial de 2,5 milliards d’euros, soit trois fois plus que son concurrent direct, Hachette Livre. Sa banqueroute en 2002 ouvrit grande la porte aux conglomérats.
Main-mise des conglomérats
80% de l'édition est aux mains de "conglomérats", c'est à dire de grands groupes constitués d'entreprises aux activités différentes, par exemple Wendel, leader dans le revêtement de sol, est propriétaire d'Éditis. La multinationale Hachette vend des livres et... des armes ! Le livre est

alors traité comme une vulgaire marchandise, en contradiction avec l'esprit de la loi Lang, qui le défend comme un bien culturel soumis aux seules exigences de rentabilité immédiate. Dieu merci, cette loi protège les librairies indépendantes en interdisant le discount, mais elle n'empêche pas la complaisance de l'État pour les concentrations.
Main-mise des conglomérats
80% de l'édition est aux mains de "conglomérats", c'est à dire de grands groupes constitués d'entreprises aux activités différentes, par exemple Wendel, leader dans le revêtement de sol, est propriétaire d'Éditis. La multinationale Hachette vend des livres et... des armes ! Le livre est alors traité comme une vulgaire marchandise, en contradiction avec l'esprit de la loi Lang, qui le défend comme un "bien culturel", non soumis aux seules exigences de rentabilité immédiate. Dieu merci, cette loi protège les librairies indépendantes en interdisant le discount, mais elle n'empêche pas la complaisance de l'État pour les concentrations.
Obligation de résultats
Au XIXe siècle, le bénéfice moyen des maisons d’édition était de 3-4% par an. Aujourd'hui, elles appellent des résultats à deux chiffres : 10, 15% – a fortiori les fonds de pension et les sociétés d’investissement comme Wendel (société Éditis : Laffont, Julliard, Bordas, Nathan, etc.), qui sont de pures pompes à fric, avec des actionnaires aveugles.
Haute surveillance comptable
Le personnage-clé n’est plus l’éditeur, mais le contrôleur de gestion. Les choix éditoriaux se prennent en présence des commerciaux et des financiers. Les maisons sont rappelées à l’ordre dès que les chiffres sont mauvais. Leurs responsables sont sur un siège éjectable. L’un des effets de ce flicage est de "moyenniser" la production éditoriale. L’éditeur filialisé n’est pas entièrement "plumé", mais il n’a pas toutes ses plumes. Il est en liberté surveillée.
L’asphyxie et la gabegie !

Résultat, la médiocrité pavoise, Marc Lévy et Guillaume Musso (et aussi son frangin !) sont les rois de la gondole, et l’on publie de plus en plus de livres marketing, à grand renfort de pub et de buzz.
Le marché est envahi de livres ni fait ni à faire : en 2012, 200 par jour, 86.000 sur l’année (trois fois plus qu’en 1985), 631 millions de bouquins fabriqués, dont 140 millions qui vont au pilon. L’asphyxie et la gabegie !

En 2021, Les éditions Parole publient mon essai sur l'édition : "Joseph Périgot a fréquenté le monde du livre pendant une trentaine d'années, comme auteur, libraire, imprimeur, graphiste et éditeur. Il a donc pu vivre de l'intérieur la déliquescence de "l'exception culturelle".
Le livre a été imprimé à plusieurs centaines d'exemplaires, mais sans la signature d'un contrat d'édition. J'ai revendiqué. On m'a rassuré en m'envoyant 20 exemplaires d'auteur en plus – toujours sans contrat d'édition !
Et l'ouvrage a été supprimé sans délai du catalogue de Parole ! Le petit éditeur avait cédé à la pression des gros...
Je l'ai donc auto-édité à ma manière.

